Généralités

Les troubles du comportement alimentaire

Généralités

« Manger c’est un acte carrefour entre le biologique et le psychologique, l’individu et la société, l’humain et l’inhumain. Manger est le lieu de toutes les peurs, de toutes les angoisses, de toutes les révoltes. »

Apfeldorfer (1994)

Traité de l’alimentation et du corps. Paris : Flammarion

Dès la naissance, et durant toute la vie, notre rapport à la nourriture et l’alimentation peut être le reflet de notre vécu, notre équilibre ou au contraire notre difficulté à nous sentir en harmonie avec nous-mêmes, avec notre corps et avec le monde qui nous entoure. Nous pouvons prendre comme exemple les modifications communes de notre comportement alimentaire en fonction de notre humeur : l’appétit pressant lorsque l’on est anxieux ou stressé, la perte d’appétit ou les fringales en cas de déprime. Dans certains cas, pourtant, cette relation inhabituelle à la nourriture et au corps s’installe plus durablement, plus profondément et l’on parlera de troubles du comportement alimentaire (TCA).

Les TCA comptent parmi les problèmes de santé mentale les plus fréquents dans les pays occidentaux. Ils peuvent avoir un impact considérable sur le développement psychosocial et des conséquences psychiques, physiques et sociales graves. De plus, la complexité de ces maladies fait que leur guérison se fait progressivement et demande beaucoup de temps.

LES TCA

Des maladies à part entière

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont reconnus comme de véritables maladies, plus spécifiquement, comme « des troubles mentaux », c’est-à-dire des ensembles de comportements, d’attitudes et de réactions émotionnelles qui sont l’expression d’une grande souffrance chez la personne malade et qui a des répercussions aussi sur son entourage. Ils peuvent apparaître sous plusieurs formes dont l’anorexie mentale, la boulimie et les accès hyperphagiques sont les plus connues.

Il existe d’autres types de TCA qui ne répondent pas aux critères de ces 3 troubles : on parle alors de troubles alimentaires atypiques.

Il est donc indispensable, en cas de TCA, d’instaurer une prise en charge afin de traiter ces troubles qui, s’ils ne sont pas soignés, impactent la qualité de vie et peuvent même avoir des conséquences dramatiques.

LES TCA

Des comportements de dépendance

Les TCA sont souvent considérés comme des conduites de dépendance. C’est comme si la personne qui en souffre devient dépendante de son comportement comme d’autres le sont d’une substance (alcool, drogues, médicaments). Les personnes souffrant de TCA peuvent être dans l’urgence du besoin d’une satisfaction immédiate comme c’est le cas dans d’autres dépendances. On parle dans ce cas d’une addiction comportementale.

Mais une addiction, c’est quoi ?

Bon nombre d’auteurs et professionnels se réfèrent à la définition de Goodman (1990). Ce dernier explique que la personne qui présente une addiction répète des actes ou comportements afin de provoquer une sensation de plaisir et de soulager un mal-être intérieur. Elle présente également une difficulté à contrôler ces comportements répétés malgré les conséquences négatives qu’ils peuvent avoir sur sa vie.

Goodman a proposé des critères des conduites addictives :

A. impossibilité de résister aux impulsions à réaliser ce type de comportement;

B. sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement

C. plaisir ou soulagement pendant sa durée

D. sensation de perte de contrôle pendant le comportement

E. présence d’au moins cinq des neuf critères suivants :

  • préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation.
  • intensité et durée du comportement plus importantes que souhaitées à l’origine.
  • tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement.
  • temps considérable consacré à préparer le comportement, à l’entreprendre, ou à se remettre de ses effets.
  • survenue fréquente du comportement qui empêche le sujet d’accomplir ses obligations professionnelles, scolaires, universitaires, familiales ou sociales.
  • activités sociales, professionnelles ou récréatives sacrifiées du fait du comportement.
  • perpétuation du comportement, bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou physique.
  • tolérance marquée : besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence pour obtenir l’effet désiré, ou diminution de l’effet procuré par un comportement de même intensité.
  • agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement.

F. certains éléments du syndrome ont duré plus d’un mois où se sont répétés pendant une longue période.

La personne perd le contrôle de son comportement, est parfois dans le déni par rapport à la gravité de sa maladie et peut être aussi en constante recherche de sensations fortes. Au travers de ce comportement addictif, la personne qui souffre d’anorexie mentale ressent un certain plaisir lié au fait de jeûner. En effet, une élévation de la concentration sanguine de béta endorphines et d’amphétamines est responsable de cette sensation de bien être. Chez une personne souffrant d’anorexie, on retrouve une concentration jusqu’à 10 fois plus élevée que la normale. De la même façon, chez la personne qui souffre de boulimie ou d’accès hyperphagiques, on retrouve un état d’euphorie avant, pendant et/ou immédiatement après la crise. Les vomissements engendrent une libération d’endorphines propices à  l’installation d’une dépendance.

La personne qui souffre de TCA ne peut donc pas faire autrement, sa souffrance et la maladie la privent de sa liberté d’agir.

Ce comportement addictif est plus visible avec la boulimie ou les accès hyperphagiques: la personne, comme celle souffrant d’une dépendance à l’alcool ou à la drogue, ressent le besoin pressant de manger, parfois jusqu’à l’obsession. Il lui est extrêmement difficile de se retenir et d’empêcher ce qu’elle vit comme une perte de contrôle, ce qui aura des répercussions sur l’estime d’elle-même. Il n’est pas rare que, comme toute personne dépendante, la personne malade dise « demain j’arrête », « c’est la dernière fois », etc.

Comme dans toute dépendance, il est très difficile, voire impossible de se sortir seul(e) de ces comportements. C’est pourquoi, il est primordial de demander de l’aide et de ne pas rester seul(e) face à sa maladie.

Même si la honte et la culpabilité touchent très souvent les personnes en souffrance, il est primordial de demander de l’aide et de trouver un moyen de guérir ! Les addictions peuvent être traitées. Leur prise en charge vise à « modifier les comportements pour sortir des attitudes enfermantes qu’ils impliquent et construire des comportements nouveaux permettant à la personne de pouvoir gérer sa vie, gagnant ainsi en autonomie et donc en liberté ». (Philippe Jaquet, 2013)

Aussi, de nombreuses personnes ont pu « re »trouver une vraie et durable liberté face à leurs comportements addictifs et ainsi guérir de leur TCA.

LES TCA

Statistiques

A ce jour, la nouvelle version du manuel diagnostic des troubles psychiatriques (DSM-5) ayant été publiée, une nouvelle terminologie est utilisée pour parler des TCA. Or les statistiques suivantes datant de 2010, ils exposent des chiffres concernant l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse et l’hyperphagie boulimique, correspondant à des critères diagnostiques différents de ceux d’aujourd’hui.

Selon une étude de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) datant de 2010, 3,5% de la population suisse souffre ou a souffert un jour d’une ou de plusieurs formes de TCA (à l’époque appelés anorexie mentale, boulimie nerveuse ou hyperphagie boulimique selon le DSM-IV) dans le courant de sa vie.

Les femmes sont presque quatre fois plus concernées (5,3%) que les hommes (1,5%). Elles sont 1,2% à souffrir un jour d’anorexie mentale (respectivement 0,2% des hommes), 2,4% de boulimie nerveuse (respectivement 0,9% des hommes), 2,4% d’hyperphagie boulimique (respectivement 0,7% des hommes).
Enfin, 5,3% des femmes interrogées souffrent ou ont souffert de crises de boulimie non spécifiées (respectivement 2,9% pour les hommes).

Titre du tableau : Prévalence vie entière des différents TCA, 2010 (population âgée de 15 à 60 ans) Source : Schnyder et al. (2012).
(Lien vers l’article du site de l’OFSP ici)

Remarque: De nombreux professionnels s’accordent à dire que les chiffres trouvés dans les différentes études sur la prévalence des TCA sont certainement en deçà de la réalité du fait du tabou qui subsiste autour des TCA, de la difficulté à en parler et, pour les personnes qui en souffrent, à les considérer.